Goldbeater

La comédie satirique fantasque Dream Scenario suit les tribulations d'un professeur d'université timide et inhibé qui commence soudainement à apparaître dans les rêves de centaines de personnes. Bien qu'il profite initialement de sa célébrité bizarre, la réalité commence lentement à se transformer en cauchemar pour lui. Le film aborde ouvertement le thème de la « cancel culture » et constitue un solide complément à des films de qualité tels que  La Chasse ou Tár, bien qu'il traite du sujet avec légèreté et humour (assez sombre, il faut le dire). Nicolas Cage brille dans l'un de ses projets les plus ambitieux des dernières années et on ne peut qu'adorer son professeur névrotique. Un petit avertissement pour finir : si vous voyez la bande-annonce, beaucoup de moments clés du film, y compris certaines des scènes les plus drôles, seront révélés. Alors soyez prudent sur la quantité d'informations que vous consommez sur ce film avant de le voir. [Sitges 2023]

Toxic Avenger est à la base une matière directement adaptée aux prétentions ultra-bas budget du studio Troma Entertainment, lequel n'a jamais eu peur d'être provocateur, déjanté et hors limites, ce qui était d'ailleurs au cœur de la magie qui opérait. Alors, transformer Toxie en un projet à moyen budget par le grand studio Legendary Entertainment échoue déjà sur le papier. Et le résultat se veut tranchant, mais en réalité, par rapport à la série originale de quatre films, est tout à fait docile, soigné et prévisible, et c'est à se demander quel type de public il cible. Une autre constatation bizarre est que, malgré le budget plus généreux du reboot et à part le casting d'acteurs plus connus, c'est un aspect qui ne se remarque pas du tout, en particulier en ce qui concerne l'action, laquelle est largement absente. Ça manque d'idées, de ludicité et d'audace (comparons-le à l'explosion dadaïste d'idées et d'humour mordant dans Citizen Toxie: The Toxic Avenger IV). Au lieu de ça, il a beaucoup, mais alors vraiment beaucoup de moments creux ainsi que de tentatives d'humour qui tombent presque toujours à plat. [Sitges 2023]

L'excellent acteur de rôles secondaires David Dastmalchian se démarque cette fois dans le rôle principal d'animateur d'une émission de talk-show nocturne, dont le spécial Halloween de 1977 est interrompu par un sinistre individu non invité. Le film entier est présenté comme un enregistrement récemment découvert de l'épisode fatidique, où entre des blagues forcées, des performances de variétés et des sensations artificiellement créées, un fil de frissons inquiétants et de tension s'infiltre progressivement, s'intensifiant minute après minute jusqu'à un final surprenant. Vient à l'esprit la pépite culte britannique Ghostwatch, également située dans un studio de télévision, laquelle misait surtout sur l'authenticité. Late Night with the Devil vise moins la représentation authentique, et au contraire, en déviant du format, rappelle au spectateur qu'il s'agit avant tout d'un film narratif – et assez impressionnant. Sur toute la durée, on se rend très bien compte que quelque chose d'effrayant va arriver. Et quand ça arrive, ça vaut le coup ! [Sitges 2023]

Hundreds of Beavers est un film à petit budget situé dans le Wisconsin enneigé du 19ème siècle, qui combine l'aspect visuel des films muets classiques avec la dynamique des films d'animation grotesques de Warner tout en empruntant un peu de l'esthétique des jeux vidéo. Mélangez ensuite tous ces styles pour obtenir, dans un développement délicieusement graduel, une tempête d'idées hilarantes au possible et de situations étranges. C'est une véritable masterclass sur la construction d'un scénario et surtout son élaboration, la répétition et l'expansion autour de gags ponctuels, lesquels regorgent d'une inventivité qu'on n'avait pas vue depuis belle lurette. Ça faisait une éternité que je n'avais pas été plié de la sorte en allant au cinéma ! Quant aux deux créateurs centraux, ils font un bond de sept lieues par rapport à leur opus précédent Lake Michigan Monster et encore une fois, voici la preuve qu'avec un budget limité, on peut faire quelque chose qui claque, pour peu qu'on ait de solides idées en tête. Et certaines des idées ici ont le potentiel de devenir cultes et de transformer instantanément ce petit film en une comédie classique ! [Sitges 2023]

Vermines est une sorte d'Arachnophobie à la française. On y trouve des personnages assez atypiques et pas vraiment sympathiques, l'environnement sale d'un immeuble à appartements de base et une dose très limitée d'humour, mais aussi de l'action solide, un terrorisme arachnide très direct et quelques scènes qui vous feront vous tortiller d'inconfort dans votre siège de cinéma. Le film utilise des créatures physiques dans de nombreuses scènes, et quand il passe aux effets générés par ordinateur, ce n'est pas du tout perceptible, ce qui fait que les visuels réalistes contribuent beaucoup à l'impact sur le public. Il n'y a sans doute pas beaucoup de bons films d'horreur avec des araignées dans l'histoire du cinéma, mais je dirais que celui-ci en fait clairement partie. [Sitges 2023]

La fille de Frankenstein et son odyssée émancipatrice à travers l'Europe et la Méditerranée. Yorgos Lanthimos nous présente à nouveau un fragment d'un monde fantastique tordu, qui, pourtant, présente plus de parallèles avec le nôtre qu'on ne le penserait au départ. L'histoire est axée sur l'évolution du personnage de Bella, laquelle se voit ramener de la mort à la vie par un scientifique excentrique, puis, avec le cerveau d'un enfant, découvre le monde et commence à partir dans toutes les directions, y compris certaines qui pourraient être considérées comme taboues. Emma Stone offre une prestation magistrale et son personnage accumule des couches de plus en plus nouvelles au fur et à mesure que les minutes s'écoulent, le tout jusqu'à un final triomphant. Avec une telle aventure captivante, visuellement extravagante et humoristique sur le voyage de l'innocente héroïne vers la découverte du monde réel et l'émancipation progressive, on n'a pas le temps de s'ennuyer. [Sitges 2023]

The Primevals est un projet du studio Full Moon Features, dont la majeure partie a été tournée en 1994 après le succès considérable de Jurassic Park, cependant, en raison de problèmes de financement, il est resté inachevé et a été mis de côté pendant près de trois décennies suite au décès du réalisateur David Allen. Ce n'est que récemment que le producteur Charles Band a décidé de financer l'achèvement du film, et ainsi, en 2023, après 29 longues années, nous avons enfin le produit final qui est essentiellement un artefact du genre des années 90, exploitant largement la technique de l'animation en stop-motion. En matière de scénario, c'est une sorte deMonde Perdu avec un petit twist de genre, qui procure une expérience assez naïve et amusante tout en dégageant le charme sans prétention typique des productions de Band. Si vous êtes fan des navets de Full Moon, vous apprécierez certainement. [Sitges 2023]

Après toutes les réactions positives initiales, Cuando acecha la maldad m'a sérieusement déçu. Le concept de la possession démoniaque se propageant comme une épidémie est super, mais comme c'est souvent le cas, malheureusement, la réalisation de ce concept prometteur sur grand écran et surtout les directions choisies par les créateurs m'ont laissé de plus en plus perplexe, de minute en minute. Les personnages prennent des décisions très étranges, motivées par des impulsions qu'on ne comprend pas, sans parler des éléments de l'intrigue qui disparaissent et réapparaissent selon la convenance du scénario. En fait, le tout est si bizarrement construit que, après le climax absolu du film, j'étais convaincu qu'il devrait y avoir au moins un acte supplémentaire pour le sortir de la médiocrité fade et apporter une certaine résolution globale. Il n'en fut rien. [Sitges 2023]

The Last Stop in Yuma County est pratiquement comme un mélange du meilleur de Tarantino et des frères Coen dans une mise en scène sobre et minimaliste. Et je dis ça en bien. Les situations exacerbées alternent avec les malentendus impardonnables, des personnages très spécifiques et aux caractéristiques intéressantes en prennent plein la figure et sans retenue et, croyez-moi, le film vous réserve plus d'une surprise scénaristique ! Une petite perle festive, ludique et divertissante. [Sitges 2023]

Le générique culte de Grindhouse Releasing au début du film promet de l'horreur cheap et un moment fun, mais contrairement aux attentes initiales, Hollywood 90028, ce n'est pas du tout ça. Les fans avides de sang et de violence n'auront pas leur compte ici, bien que ce soit une sorte de prototype modéré du Maniac de Lustig. On est plus face à un drame qu'à un film d'horreur. Un drame underground qui expose comment la «fabrique à rêves» hollywoodienne balaye les jeunes ambitieux venus à Los Angeles avec de grands projets, les laissant dévorés, brisés et seuls. C'est pratiquement de l'exploitation dans le sens le plus pur du terme, car il opère à plusieurs niveaux. Le film est fascinant avec ses images du Hollywood du début des années 70, où les personnages sont attirés par les paysages, la culture dans la rue, l'art urbain ou même l'architecture de vieux bâtiments sur le point d'être démolis, faisant ainsi du film une sorte de capsule temporelle de cette époque. En matière de narration, c'est une vision lente et presque opprimante, mais un spectateur patient et attentif avec un sens pour la production ambitieuse de genre à petit budget peut s'y immerger et en tirer quelque chose. Outre quelques thèmes de réflexion, la scène finale peut être une révélation, combinant une conclusion assez soudaine et choquante de l'histoire avec un long plan de caméra irréprochable tourné depuis un hélicoptère sur tout Hollywood. [Sitges 2023]