Passion

"Avant que la phrase ne soit formée, tu peux commencer à parler, commencer à vivre." "Je réalise que vous devez vivre l'histoire avant de l'inventer." Ces impératifs se croisent dans plusieurs dimensions grâce aux films, où la création artistique et la recherche d'une histoire pour un film tourné se mêlent de manière singulière à la quête personnelle de l'amour et au choix entre deux femmes. Et il est caractéristique que ni l'un ni l'autre ne soit terminé. Parce que c'est précisément dans cette ouverture de la recherche, dans l'inachèvement du mouvement qui aboutit à une phrase (et donc une histoire) déjà finie (et donc morte), que la vie se déploie. La vie, le travail et l'amour. Ils devraient être unis, non ? La réponse à cette question constitue un autre plan du film, cette fois sociale, personnifiée notamment par la relation Isabelle (Huppert) x Michel (Picolli). Mais il est à nouveau révélateur que tous deux jouent également un rôle dans tous les autres plans du film. L'incapacité à terminer le film et à choisir l'une des femmes, le réalisateur Jerzy doit le considérer comme un privilège et une joie de vivre, avant de devenir lui-même une simple figure figée dans le processus de l'histoire, dont il capture les chapitres déjà évoqués dans son film (et c'est notamment pourquoi les références aux événements historiques de la Pologne en 1980/81 ne sont pas qu'un commentaire politique de surface). Le jeu de Godard avec la forme et surtout le son est à nouveau ingénieux, mais aussi plus discret et calme que dans ses autres films avant et après, et ses motifs à l'intérieur du film sont une incitation supplémentaire à le revoir. Godard a créé un film avec tant de couches que Rembrandt et Goya pourraient lui envier lorsqu'ils peignent leurs tableaux. (28/03/2014)