Le Siège

Les films de loznica ne veulent rien dire - ils le montrent simplement. Et pourtant - ils sont capables de crier leur message au monde. L'Union soviétique a eu la chance particulière du genre du film documentaire de montage : Esfir Shub l'a inventé dans les années 20 et Loznica démontre sa force pour le documentaire du 21e siècle avec des ambitions artistiques, 80 ans plus tard. En même temps, hier comme aujourd'hui, il démontre le pouvoir manipulateur que le réalisateur détient entre ses mains. Shub a déjà réussi à guider la compréhension de l'événement historique du spectateur grâce au montage et aux sous-titres. Loznica fait également évoluer la perception du matériau tourné, mais à travers un autre médium - le son. Le son, ou plutôt le manque de son à de nombreux moments, ou sa lenteur et son mutisme, mais qui attaque de manière d'autant plus urgente lorsqu'il se manifeste, créant une atmosphère étrangement figée chez le spectateur. Comme si le son mourait lentement de faim et n'avait plus la force de crier, de hurler - comme dans les hebdomadaires de guerre d'époque, comme dans les films de guerre, comme dans les documentaires de seconde zone où les mêmes images apparaissent autrement. Ou lorsque Loznica les sort des archives (silencieuses) après soixante ans et leur redonne une voix - mais étouffée, en attente, remise, donc parfaitement opposée à la vie normale de la grande ville. Et c'est précisément ce qui est plus impressionnant que les plans des cadavres allongés. (13/10/2015)