Merry-Go-Round

Rivette à nouveau en pleine force, incroyablement déployé entre l'énigme de l'intrigue et le plaisir du cinéma, de la fantaisie et des personnages tout court. Les séquences métaphoriques décrites ci-dessus sont en effet la vérité même du film. Non seulement elles servent de miroir à l'intrigue pleine de rebondissements et de combats acharnés entre les personnages, prenant forme dans la réalité de manière rusée, dans des passages surréalistes empreints de violence ouverte. Mais elles permettent surtout aux réalisateurs et au public de savourer précisément cette intrigue complexe dans sa nature simple, condensée en scènes silencieuses composées d'ingrédients élémentaires et parfois presque existentiels, de l'anxiété à la peur en passant par... la réconciliation ? Personnellement, j'ai trouvé que Rivette était ici plus théâtral que dans ses films plus explicites - notamment grâce à l'intrigue, délibérément surcombinaisonnée, paradoxale et ironiquement mystérieuse, qui crée une distance, transformant les personnages en acteurs jouant leur rôle (l'un des personnages demande directement à l'autre : "Quel est votre rôle là-dedans ?"). Cependant, cela renforce rétrospectivement le sentiment agréable (qui, personnellement, m'a par exemple manqué dans "Duelle") que ce n'est pas tant ce qui se passe concrètement à l'écran qui importe, mais comment cela se passe (à propos, Lubtchansky offre le meilleur de son art) et comment le film se compose des ingrédients élémentaires de l'interprétation, de la tension, de la surprise, de la caméra, des émotions. (20/02/2016)