L'Immortelle

Deleuze dit de Robbe-Grillet: "Dans son œuvre, nous n'avons jamais une séquence de présences qui passent, mais une simultanéité de présence du passé, de présence du présent et de présence du futur, qui rendent le temps terrible, inexpliquable." (Film 2: Image-temps, Prague, 2006, p. 122) Ainsi, Grillet brise le flux narratif établi du film, remplaçant la chronologie par des séquences d'images se précipitant et revenant en arrière, de souvenirs, d'anticipations et d'éclairs brefs de présence, qui ne peuvent être réduits à un seul temps de référence. Le futur est toujours déjà devenu passé, la fin arrive quinze minutes avant la fin, le passé est incertain et peut-être même n'a-t-il jamais existé, ou bien il s'est passé différemment de ce que le héros et le spectateur ont récemment vécu. L'impression finale dépend donc principalement de ce qui se passe ENTRE les plans individuels, de la relation entre ces trois présences, de la nécessité pour le spectateur de (re)construire les souvenirs du héros, les expériences actuelles et le futur anticipé dans une unité unique (mais impossible). La deuxième chose est le jeu perturbant avec l'espace. Les changements de temporalité entraînent des changements de relations spatiales entre les personnages et les objets, obtenus en variant les mêmes décors. Grâce au fait que le passé, le présent et le futur (et grâce à la façon dont Grillet coupe entre ces différentes présences comme s'il s'agissait d'une narration ordinaire) se sont produits (se produisent, se produiront...) au même endroit, la localisation des personnages et le déroulement des événements changent constamment. Tout cela met en doute la confiance du spectateur envers sa compréhension habituelle des récits et de ses capacités d'observation. (29/11/2014)