Břetislav Pojar est né le 7 octobre 1923 à Sušice, au sud-ouest de la Bohème. Il est forcé d’interrompre ses études à l’Académie des Beaux-Arts et à l’École supérieure d’architecture de Prague alors que les nazis décident de fermer toutes les écoles supérieures du pays occupé. Comme beaucoup de jeunes étudiants en art, pour éviter les travaux forcés en Allemagne, il se fait engager par le studio AFIT (Atelier de trucages cinématographiques), racheté par les Allemands. C’est là qu’il fait ses premières expériences avec le cinéma d’animation, notamment en collaborant au dessin animé «Mariage dans la mer des coraux» (1943).
En 1945, Pojar intègre le studio Bratři v triku (Les frères en tricot – avec un jeu de mot : trik signifiant également trucage), créé sur les ruines de l’AFIT, dirigé par le peintre, homme de théâtre et réalisateur Jiří Trnka. Il est notamment animateur sur «Les Animaux et les gens» de Petrov de Trnka, primé à Cannes en 1946. Lorsque Trnka fonde son propre studio d’animation de marionnettes, Pojar le suit et devient rapidement l’un de ses principaux assistants, collaborant à l’ensemble des longs métrages de son aîné, de «L’Année tchèque (1947) au «Songe d’une nuit d’été» (1958).
Son premier film, encore fortement sous l’influence de Trnka, est une version avec marionnettes animées du conte «Hansel et Gretel»(1951). Or, si Trnka signe la conception visuelle de son second film, «Un verre de trop» (1954), Pojar y met en avant un savoir-faire qui lui est propre, celui d’un montage et d’un choix d’angles et de mouvements de caméra qui donnent au film un dynamisme rarement égalé. «Un verre de trop» remporte le prix du film de marionnettes au Festival de Cannes de 1954 et impose Pojar comme un auteur à suivre. Il est réinvité à Cannes avec «Le Petit Parapluie» (1957).
Petit à petit, il prend de plus en plus d’autonomie vis-à-vis de Trnka, en collaborant avec des peintres comme Svatopluk Pitra ou Zdeněk Seydl, avec qui il réalise entre autres «Le Lion et la Chanson», Grand prix au festival d’Annecy en 1960. Son film «Psychocratie» remporte l’Ours d’or au festival de Berlin de 1969. Sa collaboration avec le cinéaste Miroslav Štěpánek constitue sans doute le plus haut point de sa carrière : ensemble, ils créent plusieurs séries de films au succès retentissant, dont «Monsieur et Monsieur» (1965-1973) et «Le Jardin» (1974-1977), adapté du seul livre écrit par Jiří Trnka.
Dans les années 1970-80, Pojar est invité à réaliser plusieurs films pour l’Office national du film du Canada et pour l’ONU, dont «Bala-blok», Grand prix du court métrage au festival de Cannes de 1973, et «Boom», Prix du jury à Cannes en 1979. C’est pour le Canada également qu’il réalise, en 1986, «L’Heure des anges», récit d’un jeune homme qui devient aveugle et dont le monde oscille entre rêve et réalité. Pour ce film, il collabore avec l’animateur en écran d’épingles Jaques Drouin.
Pojar se tourne alors vers l’enseignement et, en 1990, fonde la chaire d’animation à l’Académie de cinéma FAMU de Prague, où il forme plusieurs générations de jeunes cinéastes dont il supervise et soutient les travaux. Il coréalise plusieurs films avec certains d’entre eux, comme «Fimfárum 2» (2006) ou «Histoires d’autos» (2011). En 2003, il est invité à participer au film collectif «Jours d’hiver», aux côtés de Kihachiro Kawamoto, Isao Takahata, Co Hoedeman, Iouri Norstein, Raoul Servais et bien d’autres. Mentionnons enfin qu’au cours de sa carrière, il a également participé à la réalisation de films de fiction avec acteurs, comme par exemple «L’Ours» de Jean-Jacques Annaud (1988) ou «Joe Limonade» d’Oldřich Lipský (1964), et qu’il a lui-même réalisé un film avec acteurs, «L’Aventure dans la crique dorée» (1955), prix du meilleur film pour enfants au festival de Montevideo de 1956.
Par contraste, Pojar continue d’explorer les possibilités d’une caméra dynamique, volontiers en mouvement. Ainsi, des travellings très efficaces, doublés de mouvements latéraux de la caméra, renforcent la vitesse du train électrique. De même, l’usage du zoom souligne l’émotion des personnages (lorsque le chef de gare remarque que le train en bois s’est retrouvé enseveli sous le couvercle de la boîte de cubes, par exemple). Mais le film brille surtout par ses morceaux de bravoure en matière d’animation : la combinaison de mouvements animés avec ceux, mécaniques, du train électrique en arrière-plan, l’animation des cubes qui virevoltent dans les airs ou tiennent en équilibre sur la cheminée du train de bois en mouvement, ou encore celle du train de bois chargé de cubes qui fait rebondir la balle multicolore… Et ici aussi, en faisant bien attention, vous pourrez apercevoir çà et là les fils de nylon soutenant le train de bois s’apprêtant à charger ses cubes.
Malavida