Figure clé du cinéma espagnol, José Luis Cuerda est considéré comme l’un des plus importants cinéastes de ce pays. Né à Albacete en 1947 (dans la communauté autonome de Castille-la Manche) d’un père joueur de poker, José Luis Cuerda étudie trois ans au séminaire puis commence des études de droit qu’il abandonne en 1969 pour travailler comme technicien à la télévision espagnole. Il y réalise une multitude de documentaires et écrit de nombreux scénarios avant d’y faire ses premiers pas dans la fiction en 1977 en adaptant le roman d’Ernesto Sábato, Le Tunnel. La même année, il réalise une autre production télévisée, Mala Racha.
En 1982, il réalise son premier long-métrage qu’il a écrit pour le cinéma, Pares y nones, produit par son ami de l’époque, Félix Tusell Gómez (Estela Films). Le film sort en salles et est tout de suite associé à la « comédie madrilène », phénomène en vogue à l’époque. Mais José Luis Cuerda va trouver sa vraie voix l’année suivante avec Total, un moyen métrage situé dans un village castillan (sa région d’origine) et dans lequel s’accumulent les situations fantastiques, imprégnées d’un humour très original, absurde. Cet humour est particulièrement présent dans son film suivant, une comédie située dans la Galice rurale : El bosque animado (La forêt animée) en 1987. Basé sur le roman de Wenceslao Fernández Flórez, le film est servi par un formidable casting d’acteurs et remporte cinq Goya, dont celui du Meilleur Film.
En 1989, il réalise Amanece, que no es poco (L’Aube, c’est pas trop tôt), son œuvre la plus connue, débordante d’humour absurde et d’esprit délirant. Ce film devient avec le temps un film culte. Cuerda complètera sa trilogie surréaliste en 1995, avec Así en el cielo como en la tierra. 1991 marque un tournant dans sa carrière : il commence en effet à développer des sujets à dimension historique et sociale avec La viuda del capitán Estrada. L’année suivante, La marrana offre une vision décadente de l’Espagne des Rois Catholiques à la veille de la Découverte de l’Amérique. Puis en 1999, il se penche sur la Guerre civile espagnole avec La Langue des papillons d’après le récit de Manuel Rivas. Enfin, avec Los girasoles ciegos (2008), adaptation du roman d’Alberto Méndez, il pose un JOSÉ LUIS CUERDA regard sur les années sombres de l’après-guerre.
Avec ces deux derniers films, il remporte le Goya de la Meilleure Adaptation cinématographique. En 2004, José Luis Cuerda participe au film collectif et militant ¡Hay motivo! Il y réalise un épisode, Por el mar corre la liebre, qui présente un bilan à charge des 8 ans de la présidence de José María Aznar à partir des déclarations de ce dernier lors du débat télévisé qui l’opposait à Felipe González en 1993, soit dix ans auparavant. En 2006, il adapte L’éducation d’une fée (La educación de las hadas) de Didier Van Cauwelaert, dans une coproduction internationale avec Ricardo Darín et Irène Jacob. Après Todo es silencio (2012), sur la tragédie du trafic de drogue avec la Galice, Cuerda mettra six ans à tourner son dernier film, Tiempo después, dans lequel on retrouve son univers surréaliste caractéristique. C’est en fait un scénario qu’il a écrit en 1997 et qu’il a fini par publier comme roman en 2015, ne trouvant pas de producteur. Mais c’était sans compter sur un groupe d’humoristes et d’admirateurs de son œuvre qui se sont mis en tête de tourner absolument ce film…C’est donc sa maison de production initiale, Estela Films, tenue par Félix Tussell, fils de son premier producteur ainsi que les humoristes Arturo Valls et Andreu Buenafuente, avec leurs sociétés de production respectives, qui produiront le film.
Il faut aussi noter que José Luis Cuerda a également connu trois beaux succès en tant que producteur. Il a notamment découvert et aidé un jeune talent, Alejandro Amenábar, en lui permettant de réaliser son premier coup d’éclat à 23 ans avec Tesis en 1996 (Goya du Meilleur Film). Il produit ensuite Ouvre les yeux en 1997 et Les autres en 2001 (Goya du Meilleur Film). Il a également publié en Espagne plusieurs livres dans lesquels il laisse libre cours à sa vision singulière de la réalité : en 2013, Si amaestras una cabra llevas mucho adelantado (Si tu dresses une chèvre, tu es en avance) et Amanece, que no es poco (L’Aube, c’est pas trop tôt), en 2015, Tiempo después (Un peu plus tard) et en 2019, Memorias fritas (Mémoires frites). José Luis Cuerda meurt le 4 février 2020 à Madrid.
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