Portrait d'une jeune fille de la fin des années 60 à Bruxelles (E03)

La création de Chantal Akerman s'est caractérisée depuis les années 70, tu plus ou moins densément dans ses films individuels, par des traits autobiographiques, et cette tendance a culminé dans son tout dernier film "No Home Video". "Portrait" est justement l'un de ces films. Bruxelles, le printemps, un mois avant Mai 68, le premier amour, qu'est-ce que l'amour ?, une jeune fille portant des pantalons, des questions dans l'air et Sartre (bientôt suivi de Godard), en quête de soi-même, de sentiments, de la question du choix : un jeune garçon ou peut-être une jeune fille ? Une jeune fille traverse le hall de la gare, qui apparaît dans "Les rendez-vous d'Anna", regarde l'écran comme Anna Karina dans "Vivre sa vie" et joue une pièce de dialogue avec des mots et des livres comme Karina avec Brialy dans "Une femme est une femme". "Une femme est une femme" - vraiment ?, se demandait-elle tout au long de sa vie dans ses films. Godard, une grande inspiration pour la jeune fille qui décide, à la fin des années 60, de faire des films. La jeune fille se promène dans le Bruxelles des années soixante-dorées et dans son portrait, elle n'a pas peur de filmer des voitures des années 80, parce que la musique de Cohen, Brown, etc. peut invoquer des souvenirs par elle-même. Mais elle ne sert pas seulement d'outil narratif marquant de cette machine temporelle cinématographique, elle est aussi le fond sur lequel la personne de la jeune fille s'est formée : "It's a Man's World" de Brown, qui retentit au moment où le regard de notre jeune fille cherche, cherche qui ? Dans "Je, tu, il, elle", la recherche a conduit à une autre fille. Déjà à l'époque, la jeune fille était prise dans l'ambiguïté de savoir qui mérite le plus notre regard ? Déjà à l'époque, la jeune fille connaissait la nature des hommes - les longs cheveux et les gestes soumis, cela finit toujours par fonctionner, il n'est pas nécessaire d'en être convaincu de ses propres yeux. Ni le film ni le spectateur n'en ont besoin. Mais tant que le désir de faire des films sur cela et sur tout le reste persistera, la jeune fille pourra vivre même dans une femme adulte. Après près d'un demi-siècle de travail de réalisation, la jeune fille Chantal Akerman est décédée il y a trois jours. (08/10/2015)